Drapeaux_deAndresweb Elise Gagnebin-de Bons, « Façade » (trois bannières), 2012, tissu imprimé
elisegagnebin5web Elise Gagnebin-de Bons, « Fake on Fake », 2012; « Sans titre », 2012, spray aérosol sur papier (diptyque) | © David Gagnebin-de Bons
elisegagnebin1web Elise Gagnebin-de Bons, « Fake on Fake », 2012, carton, peinture acrylique, aluminium, bois, bande adhésive | © David Gagnebin-de Bons
elisegagnebin6web Elise Gagnebin-de Bons, série « Genova », 2012, peinture acrylique sur papier | © David Gagnebin-de Bons
Sans_titre_spray2012 Elise Gagnebin-de Bons, « Sans titre », 2012, spray sur papier | © David Gagnebin-de Bons
elisegagnebin2web Elise Gagnebin-de Bons, « N’oublie pas », 2012, spray aérosol sur papier; « Sans titre », 2012, bois et peinture acrylique | © David Gagnebin-de Bons
elisegagnebin4web2 Elise Gagnebin-de Bons, « Façade » (trois bannières), 2012, tissu imprimé | © David Gagnebin-de Bons

23.6. - 9.9.2012

Elise Gagnebin-de Bons – Façade

Prenez distance, levez les yeux ! Elise Gagnebin-de Bons (Lausanne, 1976) plante ses drapeaux au centre de Romainmôtier, sur la façade à peine refaite de la maison ancienne abritant l’espace d’exposition. Pavoiser la façade après que les ouvriers l’ont mise à nu jusqu’à ses vestiges gothiques, l’ont recrépie puis repeinte, c’est la magnifier pour l’occasion. C’est la célébrer, vanitas vanitatum, au regard de la Cité, des Autorités, de l’Histoire, des habitants et des visiteurs. Contiguë sur la Place du Bourg, la Maison de Commune arbore elle-même sur le même front urbain les trois bannières officielles, Confédération, Canton, Commune. L’artiste interroge à travers ces nouvelles membranes colorées non seulement la relation délicate de la sphère privée à l’espace public, mais également la place et les enjeux de l’art contemporain dans la Cité.

 

Les trois drapeaux d’Elise Gagnebin-de Bons n’arborent pas d’armoiries, aucun écu, aucun emblème ou attribut stylisé lié à une quelconque tradition, lignée, alliance ou officialité. Ils n’ont rien d’héraldique. Ils n’affichent pas non plus de marque ou de logo signalant une enseigne commerciale ou une raison sociale. Ils sont incivils, ils sont vulgaires, ils sont profanes, ils sont temporels, ils sont gratuits. Deux se répètent même, obéissant à l’on ne sait quelle intention ironique ou code secret. Ils arborent de noirs motifs rappelant des calcinations organiques ou minérales, veines, écorces, strates, mortiers, cratères, déchirrures. L’élément central suggère un rempochage ou même la trace violente d’un impact, réminiscence lointaine des rages matiéristes de l’art informel. Mais à y bien regarder, le motif est manipulé : il est flanqué, à destre et à sénestre, de deux bandes verticales répétées, taillées à l’aide de l’infographie dans ce même motif central ; de sorte que les principes antagoniques d’ordre et de désordre y figurent conjugués.

 

La question de l’ordre esthétique, social et moral est au coeur du travail d’Elise Gagnebin-de Bons, dans une démarche conceptuelle qu’on pourrait mettre en regard de l’art de Tom Burr. Y sont évoquées les turbulences de la marginalité, de l’action rebelle, éclairée ou abrutie, d’une jeunesse d’esprit clandestine et incendiaire. A l’intérieur, à l’abri de la galerie, furtivement, l’artiste a fixé, entre autres, un poster reprenant un graffiti lausannois qui propage à Romainmôtier l’odeur roussie, nocturne et alcoolisée des villes, réactivant l’angoisse séculaire des incendies de bourgs: « N’oublie pas qu’on va tout brûler ». Mise en garde ? Menace ? Rappel à l’ordre ? Injonction à passer à l’acte ? Prophétie d’autodafé ? L’artiste monte aussi peut-être une barricade, une pièce évoquant également une structure d’échaffaudage, un garde-fou, un obstacle pour skateur en mal de hippy jumps et autres ollies. Elle suggère un élément de défense ou de conquête, une ligne à tenir ou à franchir, entre discipline et anarchie. L’ambiguïté, l’indécision, la polysémie, le secret derrière les apparences sont chez Elise Gagnebin-de Bons des indices d’irrévérence et d’indignation : derrière la façade, ses oeuvres font désordre. (AdA)