Rudy_deceliere Rudy Decelière, «Ils peuvent peser par tonnes cette matière neutre», 2015 | © photo Rudy Decelière
dAM_RudyDeceliere_DavidAmaral_04 Rudy Decelière, «Ils peuvent peser par tonnes cette matière neutre», 2015 | © photo David Amaral
dAM_RudyDeceliere_DavidAmaral_03 Rudy Decelière, «Ils peuvent peser par tonnes cette matière neutre», 2015 | © photo David Amaral
dAM_RudyDeceliere_DavidAmaral_01 Rudy Decelière, «Ils peuvent peser par tonnes cette matière neutre», 2015 | © photo David Amaral
©RudyDeceliere3 Rudy Decelière, «Ils peuvent peser par tonnes cette matière neutre», 2015 | © photo Rudy Decelière
©RudyDeceliere1 Rudy Decelière, «Ils peuvent peser par tonnes cette matière neutre», 2015 | © photo Rudy Decelière
dAM_RudyDeceliere_DavidAmaral_05 Rudy Decelière, «Ils peuvent peser par tonnes cette matière neutre», 2015 | © photo David Amaral
©RudyDeceliere2 Rudy Decelière, «Ils peuvent peser par tonnes cette matière neutre», 2015 | © photo Rudy Decelière
dAM_RudyDeceliere_DavidAmaral_02 Rudy Decelière, «Ils peuvent peser par tonnes cette matière neutre», 2015 | © photo David Amaral
dessin_matiere_neutre Rudy Decelière, «Ils peuvent peser par tonnes cette matière neutre», 2015, esquisse préparatoire, encre noire sur papier, 21,5 x 16 cm

9.5. - 30.8.2015

Rudy Decelière – Ils peuvent peser par tonnes cette matière neutre

Installation sonore

Vidéo de l’installation

 

Fils de cuivre mis sous tension électrique, tombant du plafond et embobinés sur des morceaux de pain sec et de charbon suspendus au ras d’un sol gris quadrillé d’aimants: telle est l’installation sonore, presque silencieuse, que Rudy Decelière présente à Romainmôtier.

 

Pain et charbon, si légers en poids, si denses d’esprit, animés d’une tension électrique, s’attirent et se repoussent par la force électromagnétique, se touchent rarement, par hasard, et produisent un bruit imperceptible dans une acoustique cristalline. Silences de vie, silences vibrants des natures mortes, pain et charbon dansants. Poésie et mémoire. Mémoire du charbon, pain de la mémoire. Le titre de l’installation cite Robert Antelme dans L’espèce humaine où l’écrivain témoigne de son vécu en camp de concentration.

 

En marge des considérations d’historien de l’art, je veux évoquer ici ce que me chuchotent personnellement le pain et le charbon de Rudy Decelière. Une autre histoire, une autre mémoire, un autre front.

 

D’abord ma mère, fille de la Guerre d’Espagne et de la dictature franquiste, orpheline de père, qui a subi, enfant, privations et discipline de fer dans un internat religieux, un autre camp. La nuit, elle rongeait en silence, lentement, sous la couverture, dans le dortoir, des croûtons de pain sec qu’une autre enfant, complice, solidaire, dérobait en cuisine. Partage de misère et de peur, partage contre la faim.

 

Ensuite mon père, fils de la Guerre d’Espagne et de la dictature franquiste, exilé économique, vie professionnelle en Suisse, retraite de retour au pays, esseulé, exilé intérieur, égaré, mort dans le silence de la solitude, cendres de retour en Suisse, va-et-vient de la vie, de la mort, danse hasardeuse, insensée.

 

Histoires personnelles de pain et de charbon mises sous tension par la machine poétique de Rudy Decelière, qui appelle les témoignages, nos témoignages, qui finissent, ou qui commencent, aujourd’hui, allez savoir pourquoi, à Romainmôtier, en Suisse, toujours si neutre, si silencieuse, au regard de l’histoire. (AdA)