Ouverture2 Johann Sebastian Bach, Ouverture BWV 831a, version antérieure en do mineur (copistes Anna Magdalena et Johann Sebastian Bach), Staatsbibliothek zu Berlin
ouverture_2 Johann Sebastian Bach, Ouverture BWV 831a, version antérieure en do mineur (copistes Anna Magdalena et Johann Sebastian Bach), Staatsbibliothek zu Berlin
Ouverture_3 Johann Sebastian Bach, Ouverture BWV 831a, version antérieure en do mineur (copistes Anna Magdalena et Johann Sebastian Bach), Staatsbibliothek zu Berlin
Ouverture_4 Johann Sebastian Bach, Ouverture BWV 831a, version antérieure en do mineur (copistes Anna Magdalena et Johann Sebastian Bach), Staatsbibliothek zu Berlin
Ouverture_5 Johann Sebastian Bach, Ouverture BWV 831a, version antérieure en do mineur (copistes Anna Magdalena et Johann Sebastian Bach), Staatsbibliothek zu Berlin
Oubverture_6 Johann Sebastian Bach, Ouverture BWV 831a, version antérieure en do mineur (copistes Anna Magdalena et Johann Sebastian Bach), Staatsbibliothek zu Berlin
Ouverture_7 Johann Sebastian Bach, Ouverture BWV 831a, version antérieure en do mineur (copistes Anna Magdalena et Johann Sebastian Bach), Staatsbibliothek zu Berlin
Ouverture_8 Johann Sebastian Bach, Ouverture BWV 831a, version antérieure en do mineur (copistes Anna Magdalena et Johann Sebastian Bach), Staatsbibliothek zu Berlin
Ouverture_9 Johann Sebastian Bach, Ouverture BWV 831a, version antérieure en do mineur (copistes Anna Magdalena et Johann Sebastian Bach), Staatsbibliothek zu Berlin

13.9.2014, 20h | 14.9.2014, 17h

X. Récitals Johann Sebastian Bach

Concerto dans le goût italien BWV 971, Ouverture à la française BWV 831, Duetti BWV 802-805

Patrick Montan-Missirlian, clavecin et orgues

Programme

  • Concerto dans le goût italien en fa majeur BWV 971: [Allegro] – Andante – Presto
  • Duetto en mi mineur BWV 802
  • Duetto en fa majeur BWV 803
  • Duetto en sol majeur BWV 804
  • Duetto en la mineur BWV 805
  • Ouverture à la française en si mineur BWV 831: Ouverture – Courante – Gavottes I et II – Passepieds I et II – Sarabande – Bourrées I et II – Gigue – Echo

Clavecin Dominique Laperle (Marcellaz-Albanais, 1994), d’après Nicolas Dumont (Paris, 1707), orgue Joseph Anton Moser (Fribourg, c. 1767) et orgue Jacob Engelbert Teschemacher (Elberfeld, c. 1770)

 

Présentation

Dixième volet de l’intégrale Johann Sebastian Bach (1685-1750) pour clavier, le concerto dans le goût italien BWV 971, l’ouverture à la française BWV 831 et les quatre duetti BWV 802-805 sont proposés au clavecin et aux orgues samedi 13 septembre à 20h00 et dimanche 14 septembre à 17h00 (même programme chaque fois). Ce programme marque la reprise de l’intégrale Bach après la pause estivale. Cette deuxième et dernière partie du projet Bach est consacrée aux œuvres composées pendant le cantorat de Leipzig, de 1723 à 1750, année de la mort du compositeur.

 

Suite à la publication en 1731 des six partitas pour clavecin seul BWV 825-830, formant la première partie de la Clavier-Übung, une seconde partie paraît seulement quatre ans plus tard, au printemps 1735, chez Christoph Weigel le jeune, graveur et éditeur à Nuremberg. Le titre est le suivant: Zweyter Theil der Clavier Ubung bestehend in einem Concerto nach Italiœnischen Gusto, und einer Ouverture nach Französischer Art, vor ein Clavicÿmbel mit zweÿen Manualen.

 

La Clavier-Übung est un ambitieux projet qui mobilisera la force créatrice du compositeur jusqu’en 1741, avec la parution de la quatrième et dernière partie de la Clavier-Übung, l’Aria mit verschiedenen Veraenderungen, autrement dit les variations Goldberg BWV 988.

 

Deux recueils de suites composées par le prédécesseur de Bach au poste de cantor de Saint-Thomas, Johann Kuhnau (1660-1722), portaient déjà à la fin du 17ème siècle ce titre, qui sera encore celui de nombreuses publications pour le clavier de compositeurs allemands avant et après Bach: Johann Krieger (1652-1735), Vincent Lübeck (1654-1740), Christoph Graupner (1683-1760), Georg Andreas Sorge (1703-1778), Johann Ludwig Krebs (1713-1780).

 

Le concerto dans le goût italien et l’ouverture à la française illustrent les deux grands genres de la musique orchestrale de l’époque, le concerto grosso et la suite pour orchestre, en même temps que les deux grands styles nationaux qui les ont forgés, l’italien et le français, dans une sorte de goûts réunis, évoquant les recueils de musique de chambre de François Couperin (1668-1733), publiés dans la décennie précédente. Mais l’originalité de la publication de Bach c’est d’offrir un modèle de chacun de ces deux genres de la musique orchestrale pour un instrument à clavier en particulier: le clavecin à deux claviers.

 

Dans un clavecin à deux claviers, chaque clavier dispose de son propre rang de cordes, à l’unisson l’un de l’autre. Le point de pincement diffère cependant légèrement d’un rang de cordes à l’autre, de manière à obtenir un contraste de timbre d’un clavier à l’autre. Les clavecins à deux claviers ont ordinairement un rang supplémentaire de cordes au clavier inférieur ou grand clavier, sonnant à l’octave des deux autres. Outre le contraste de timbre d’un clavier à l’autre, il est également possible dans de tels instruments d’avoir l’ensemble des registres sur le seul grand clavier, de manière à obtenir un réel contraste dynamique entre les deux claviers. L’utilisation des deux claviers n’étant pas arbitraire, la partition comporte les mentions forte et piano, correspondant respectivement au grand clavier et au petit clavier du clavecin.

 

Suivant la volonté du compositeur, le concerto dans le goût italien et l’ouverture à la française seront interprétés sur un tel clavecin à deux claviers, en l’occurrence d’après un original de 1707, construit par le facteur parisien Nicolas Dumont.

 

Le programme de ce concert sera complété par les quatre duetti BWV 802-805, extraits de la troisième partie de la Clavier-Übung, parue en 1739 et consacrée à l’orgue. Véritables petits chefs-d’œuvre de l’art canonique, ces duetti sont écrits à deux voix parfaitement égales, le défi de l’exercice consistant de fait à obtenir une parfaite égalité dans chacune des mains, préalable indispensable pour jouer proprement à l’orgue les pièces en trio, où la basse est exécutée au pédalier. Les duetti sont destinés à un orgue joué manualiter et seront donnés de fait à l’orgue Jacob Engelbert Teschemacher (Elberfeld, c. 1770) et à l’orgue Joseph Anton Moser (Fribourg, c. 1767).

 

Le concerto italien en fa majeur BWV 971 évoque les années de 1708 à 1717 à Weimar, au cours desquelles Bach s’est approprié le style italien en arrangeant pour le clavier des concertos pour différents instruments de maîtres italiens, tels Antonio Vivaldi (c.1678-1741), Alessandro Marcello (1684-1750) et Benedetto Marcello (1686-1739), ou de compositeurs italianisants, comme Georg Philip Telemann (1681-1767) ou le jeune Prince Johann Ernst von Sachsen-Weimar (1696-1715). Mais le concerto italien BWV 971 a sans doute aussi largement bénéficié de l’expérience acquise par le compositeur dès 1729 comme directeur du Collegium musicum de Leipzig, ensemble instrumental d’excellent niveau, à l’origine notamment de la création des concertos pour un ou plusieurs clavecins et orchestre. Le concerto italien est une composition de Bach à part entière et l’une de ses œuvres pour clavier parmi les plus fameuses.

 

Cette popularité remonte quasiment à l’origine de l’œuvre. Dans une recension du 22 décembre 1739, publiée dans le Critischer Musikus (Leipzig, 1745), deux ans après avoir formulé d’acerbes critiques à l’encontre de la musique de Bach, l’organiste, compositeur et critique germano-danois Johann Adolph Scheibe (1708-1776), fait du concerto italien l’éloge suivant, sans doute insincère et ironique:

 

Vornehmlich aber ist unter den durch öffentlichen Druck bekannten Musikwerken ein Clavierconcert befindlich, welches den berühmten Bach in Leipzig zum Verfasser hat, und aus der grossen Tonart, F, geht. Da dieses Stück auf die beste Art eingerichtet ist, die nur in dieser Art zu setzen anzuwenden ist: so glaube ich, dass es ohne Zweifel allen grossen Componisten, und erfahrnen Clavierspielern so wohl, als den Liebhabern des Claviers und der Musik, bekannt seyn wird. Wer wird aber auch nicht so fort zugestehen, dass dieses Clavierconcert als ein vollkommenes Muster eines wohleingerichteten einstimmigen Concerts anzusehen ist? Allein, wir werden auch noch zur Zeit sehr wenige, aber fast gar keine Concerten von so vortrefflichen Eigenschaften, und von einer so wohlgeordneten Ausarbeitung aufweisen können. Ein so grosser Meister der Musik als Herr Bach ist, der sich insonderheit des Claviers fast ganz allein bemächtiget hat, und mit dem wir den Ausländern ganz sicher trotzen können, musste es auch seyn, uns in dieser Setzart ein solches Stück zu liefern, welches den Nacheifer aller unserer grossen Componisten verdienet, von den Ausländern aber nur vergebens wird nachgeahmet werden.

 

Le premier mouvement du concerto est un allegro, bien qu’il ne comporte pas d’indication de mouvement. Sa structure musicale est soulignée par l’utilisation appropriée des deux claviers du clavecin. Ainsi, dans les parties de tutti, notées forte, les deux mains jouent ensemble sur le grand clavier. Dans les parties où interviennent les instruments du concertino, la main droite, notée forte, joue seule sur le grand clavier, tandis que la gauche, notée piano, l’accompagne sur le petit clavier.

 

Dans le presto final, on trouve cependant une disposition supplémentaire des mains sur les claviers. C’est celle où la main gauche, notée forte, joue seule sur le grand clavier, tandis que la droite l’accompagne sur le petit clavier, suggérant une répartition différente des rôles au sein du concertino. Pour les passages de tutti, les deux mains sont bien sûr sur le grand clavier.

 

Dans l’andante central, en ré mineur, la main droite, notée forte, joue seule sur le grand clavier, avec l’accompagnement de la main gauche, notée piano, sur le petit clavier. Par la profusion et l’exubérance de son ornementation, cet andante rappelle notamment les mouvements lents des sonates de l’opus 5 d’Arcangelo Corelli (1653-1713), publiées à Rome en 1700 et diffusées dans toute l’Europe à partir de cette date. Selon l’habitude italienne, l’ornementation des mouvements lents est laissée à la discrétion des exécutants, raison pour laquelle le marchand libraire Estienne Roger a imaginé en 1710, à Amsterdam, une nouvelle édition de l’ouvrage de Corelli avec les agréments des adagios, soi-disant comme il les joue. Dans le concerto italien, fidèle à une habitude, que lui reprochait d’ailleurs Scheibe, Bach a écrit les agréments du violino concertino dans la main droite en toutes notes, précieux témoignage de son art d’improvisateur tant au violon qu’au clavecin!

 

Il n’est donc pas étonnant que les agréments de cet andante dérivent du langage de la sonate et procèdent comme elle essentiellement par parataxe. Mais comme le fait remarquer Johann Mattheson dans son ouvrage intitulé Das Neu-Eröffnete Orchestre (Hambourg, 1713), à cette époque le terme de «sonate» passe peu à peu de mode et est remplacé par ceux de «concert» et «suite», s’agissant avant tout de pièces pour le clavier seul:

 

Sonata ist eine Art Instrumental-insonderheit aber Violin-Sachen / die in abgewechselten Adagio und Allegro bestehet / nunmehro schier etwas zu veralten beginnen will / und von den neuern so genanten Concerten und Suiten ziemlich ausgestochen und hindangesetzet / auff dem vollstimmigen Clavier aber gleichsam von frischen wieder belebet worden ist ; wiewohl ein Mann / so wol zu der Composition, als Execution solcher Hand-Sachen gehöret.

 

Autre volet de ce diptyque consacré au clavecin orchestral, l’ouverture à la française ne comporte pas moins de onze pièces au total: ouverture, courante, gavottes I et II, passepieds I et II, sarabande, bourrées I et II, gigue et écho. De même que les quatre ouvertures ou suites pour orchestre BWV 1066-1069 ne comportent pas d’allemande, de même cette danse est absente de l’ouverture à la française. Elle n’y aurait d’ailleurs pas sa place, étant une danse strictement liée à la suite instrumentale et par conséquent confinée à la chambre, et non à l’opéra ou plus exactement à l’opéra-ballet, donc à la scène. Il est vrai cependant qu’à l’ouverture de la quatrième partita en ré majeur BWV 829, suit une allemande. Mais le sujet de la première partie de la Clavier-Übung, contrairement à la deuxième, n’est pas l’orchestre.

 

Dans son Das Neu-Eröffnete Orchestre (Hambourg, 1713), Johann Mattheson (1681-1764) donne de l’ouverture la définition suivante, qui correspond bien à ce que l’on peut observer dans l’ouverture BWV 831:

 

Unter allen Pieçen, die instrumentaliter executiret werden / behält ja wol per majora die so genandte Ouverture das Prae. Ihr eigentlicher Platz ist zu Anfang einer Opera, oder eines anderen Schau-Spiels / wiewol man sie auch vor Suiten und übrigen Cammer-Sachen setzet. Wir haben ihre Invention den Frantzosen zu dancken / die sie auch am allerbesten zu machen wissen. Eine Ouverture hat den Nahmen vom Eröffnen / weil sie gleichsam die Thür zu den Suiten oder folgenden Sachen aufschliesset. Sie leidet hauptsächlich 2. Eintheilungen / deren erste einen egalen Tact und ordentlicherweise den 2. Halben haben wird / dabey ein etwas frisches / ermuntrendes und auch zugleich elevirtes Wesen mit sich führet; nicht aber / wie unsers Herrn Organisten seine / aus dem F. auf 32 Täcte sich erstrecken / sondern kurz und wohl gefast seyn / auch mehrentheils nicht über 2 Cadenzen auffs höchste admittiren muss. Der andere Theil bestehet in einem / nach der freyen Invention des Componisten eingerichteten / brillirenden Themate, welches entweder eine reguliere oder irreguliere Fuge, bissweilen und mehrentheils auch nur eine blosse aber lebhaffte Imitation seyn kan. Die meisten Frantzösischen Ouverturen schliessen nach dem Allegro, oder anderen Theile der Ouverture, wiederum mit einem kurtzen Lentement, oder ernsthafften Satze; allein es scheinet / dass diese Façon nicht viel Adhaerenten finden will.

 

Outre le caractère grave et majestueux propre à l’ouverture, la suite tout entière nous semble également teintée de burlesque, quoique cette veine soit dans doute difficile à saisir aujourd’hui. Néanmoins l’organiste et musicographe, Johann Gottfried Walther (1684-1748), dans son Musicalisches Lexicon (Leipzig, 1732), donne de ce genre, à l’origine littéraire, divertissant et drôle, empruntant à l’univers de la Commedia dell’arte (pour une ouverture à la française…), la définition suivante, qui fait précisément le lien avec cette forme musicale:

 

Burlesco (ital.), burlesque (gall.) Adj. Scherzenhafft, kurtzweilig. z. E. Ouverture burlesque, eine possirliche, kurtzweilige Ouverture, darinnen nebst serieusen, auch bisweilen lächerliche aus Quinten und Octaven bestehende Melodien angebracht werden.

 

Comment cela est-il illustré musicalement dans l’œuvre de Bach? D’abord, dans l’ouverture même, le premier motif qui entre en scène après l’accord initial dans la main gauche est une anacrouse énoncée dans la main droite et formée des trois notes fa dièse-sol-mi, qui semblent dériver d’une formule mélodique bien connue de l’ancestral contrepoint d’église, la nota cambiata ou note échangée (à savoir fa dièse à la place de sol): une ascendance tout à fait sérieuse, mais en soi aussi un jeu avec l’art. Ce principe de la nota cambiata forme encore le motif initial des gavottes I et II.

 

Quant à l’effet comique, il est rendu par l’emploi de l’octave et de la quinte. En effet, le motif initial du thème de la seconde partie de l’ouverture recourt à ces deux intervalles, marqués au propre comme au figuré par le signe d’articulation caractéristique, probablement l’aspiration consistant à écourter le son en deçà de sa valeur rythmique. Dans le même ordre d’idée, les intervalles de quartes et de septièmes, marqués eux aussi de ce signe d’articulation, aux mesures 38-40, puis 135-137, soulignent à leur façon, c’est-à-dire de manière décalée, le burlesque au même titre que la quinte et l’octave.

 

Dans la bourrée I, aux mesures 4, 8 et 18, ces intervalles surgissent dans la ligne mélodique, stratégiquement et alternativement dans le dessus et dans la basse. L’effet comique est renforcé cette fois par une figure rythmique, la syncope, et non plus par un signe d’articulation. La bourrée II quant à elle tempère comme il se doit – selon l’indication de Bach, la pièce se joue d’ailleurs sur le petit clavier. L’octave y est bien présente, dans la basse, dès les premières mesures, mais sous forme d’arpèges figurés.

 

Après la gigue, en l’occurrence une sautillante canarie, l’ultime pièce de l’ouverture à la française porte le titre d’Echo. Elle fait naturellement ample usage des deux claviers du clavecin. À l’article «Ecco» du Musicalisches Lexicon, Walther donne différents emplois possibles pour ce terme, dont un, qui semble décrire exactement l’effet sensible recherché par Bach dans l’Echo en question:

 

Das Wort Ecco wird auch manchmahl an statt piano gebraucht, um anzuzeigen, dass der Stimm- oder Instrumentenklang moderirt und schwächlich gehen soll, gleich als wolte man ein Echo machen.

 

En ponctuant non sans raison la deuxième partie de la Clavier-Übung par un Echo, Bach nous rappelle que ce sont les effets d’écho des cori spezzati à Venise dès la fin du 16ème siècle, qui sont à l’origine du principe concertant. Mais l’Echo de la suite BWV 831 témoigne sans doute aussi d’un intérêt pour les phénomènes acoustiques observables dans la nature et leur représentation musicale. L’Echo dote ainsi l’ouverture à la française d’une galanterie nouvelle, qui joint aux plaisirs champêtres associés à la gavotte, au passepied et à la bourrée, le ravissement des paysages de montagne.

 

Le burlesque est bien sûr encore présent dans cette ultime pièce dans les octaves parallèles à la basse aux mesures 22-26 et 54-58. Dans ses Nouvelles Suites de Pièces de Clavecin (Paris, 1728), Jean-Philippe Rameau (1683-1764) avoue quant à lui avoir «inséré deux Octaves de suite dans quelques-unes de ces dernières pièces, exprès pour desabuser ceux qu’on a pû prévenir contre l’effet de ces deux Octaves…  persuadé que si l’on n’y consultoit que l’Oreille, on trouveroit mauvais qu’elles n’y fussent pas».

 

Le burlesque a indéniablement sa place dans la Clavier-Übung. Il a même donné son nom à un mouvement de la troisième partita en la mineur BWV 827 et cette burlesca est d’ailleurs suivie d’un scherzo de la même veine. Dans la quatrième partie de la Clavier-Übung, c’est même le mot de la fin. En effet, un Quodlibet ponctue le cycle des variations Goldberg avant le retour ultime de l’aria initiale. Ce Quodlibet est basé sur la chanson populaire: «Kraut und Rüben haben mich vertrieben».

 

Dans le domaine de la musique pour clavecin, François Couperin s’est illustré avant Bach dans le genre burlesque, comme en témoigne de manière explicite «Le Gaillard-Boiteux», extrait du Dix-huitième Ordre, Troisième Livre (Paris, 1722). Il est écrit selon le mot de Couperin dans le goût burlesque. En France, le burlesque était encore au goût du jour en 1730. D’autres pièces du Quatrième Livre de François Couperin, paru cette année-là, évoquent en effet le monde de la Commedia dell’arte: «L’Arlequine» et «Les Satires», extraits du Vingt-troisième Ordre, ainsi que «La Pantomime», extraite du Vingt-sixième Ordre, sont sans doute également dans le goût burlesque. Le rapprochement de cette dernière avec la gigue de la suite BWV 831 est manifeste dès l’anacrouse initiale de l’une et l’autre pièce, formée dans les deux cas du seul demi-ton, ïambique chez Bach et trochaïque chez Couperin.

 

À travers l’ouverture à la française, Bach est à l’écoute de son temps et dote le répertoire pour le clavecin en Allemagne d’une œuvre susceptible de s’aligner sur les meilleures publications du genre en France. La même chose est d’ailleurs valable pour le concerto dans le goût italien.

 

La deuxième partie de la Clavier-Übung tient donc ses promesses et répond aux attentes du public, que constitue la puissante bourgeoisie marchande de Leipzig, curieuse, cultivée et désireuse de pouvoir exercer chez soi les dernières nouveautés en matière de musique, entendues notamment aux concerts du Collegium musicum, où le mot d’ordre était assurément: «dergleichen allhier noch nicht gehöret worden». (PMM)

 

Radio RTS Espace 2 (David Meichtry), Patrick Montan-Missirlian: Bach sur le bout des doigts, 8.4.2014