31.1. - 26.4.2015
Exposition et performance
Vidéo de la performance à l’occasion de l’inauguration
La question rhétorique du titre de l’exposition indique que l’art d’Elisabeth Llach est politique. Il est politique en ce qu’il réclame un droit; un droit au jour, à opposer à l’offense séculaire faite aux femmes de les excuser d’exister comme on a daigné excuser Eve pour mieux l’asservir, l’exhiber et l’exploiter; Eve la réprouvée d’avoir une fois osé agir librement et montrer d’elle-même ses «extrémitées». Dans sa peinture, Elisabeth Llach harangue Eve et cherche à lui remettre ses armes d’artiste. Extrémiste!
L’art d’Elisabeth Llach est féministe. Les machistes diraient spécial, osé pour une femme. Non, il n’est ni freudien, ni surréaliste – point de vue machiste aussi! – en dépit des apparences d’«inquiétante étrangeté» (Unheimlichkeit)! Ses poupées cauchemardesques (Totchic) et ses grotesques hybridations organiques, turgescentes et invaginées (Himmel, Arsch und Zwirn), sont assumées comme des jurons contrôlés, proférés dans un allemand ironique – langage de mec dont Llach fait contrebande. Lucide et rusée comme les Caprices de Goya, sa peinture flibustière opère sur le mode du sarcasme et de la satire, tout en manifestant une tendresse pour les chairs vulnérables. Elle règle le compte des femmes (et de leurs compères, c’est le même combat!) avec notre temps.
Non, il ne s’agit pas d’une exploration particulière et un peu canaille des fantasmes et tourments intérieurs d’une «individue» confortablement installée sur le canapé du patriarcat, mais d’une infiltration clandestine, scalpel en main, dans une manifestation, disons, pour la vie et contre l’avortement. Procession putassière dans laquelle nous sommes tous embarqués – qui donc ne défendrait pas la vie? – et que promeut bien sûr le monde de la mode, de la communication et de la publicité – du fric! – qui établit les étalons figuratifs collectifs dont les femmes sont les premières victimes. La peinture d’Elisabeth Llach déploie sa virulence assassine contre ces étalons-là en posant la question: qui sont les femmes? qu’ont-elles le droit de faire? de montrer?
Si Eve ne nous avait pas montré, une fois, ses «extrémitées», nous n’aurions pas l’art. (AdA)