P1030718 Orgue Joseph Anton Moser (Fribourg, c. 1767)

22.2.2015, 16h

XIII. Récital Johann Sebastian Bach

«Clavier-Übung», troisième partie (1739), BWV 672-675, 677, 679, 681, 683, 685, 687, 689, 802-805

Patrick Montan-Missirlian, orgue Joseph Anton Moser (Fribourg, c. 1767)

Programme

  • Duetto I en mi mineur BWV 802
  • Duetto II en fa majeur BWV 803
  • Kyrie, Gott Vater in Ewigkeit BWV 672
  • Christe, aller Welt Trost BWV 673
  • Kyrie, Gott heiliger Geist BWV 674
  • Allein Gott in der Höh sey Ehr BWV 675
  • Fughetta super Allein Gott in der Höh sei Ehr BWV 677
  • Fughetta super Dies sind die heilgen zehen Geboth BWV 679
  • Fughetta super Wir glauben all an einen Gott BWV 681
  • Vater unser im Himmelreich BWV 683
  • Christ, unser Herr, zum Jordan kam BWV 685
  • Aus tieffer Noth schreÿ ich zu dir BWV 687
  • Fuga super Jesus Christus, unser Heÿland BWV 689
  • Duetto III en sol majeur BWV 804
  • Duetto IV en la mineur BWV 805

 

Présentation

Treizième volet de l’intégrale Johann Sebastian Bach (1685-1750) pour clavier, la troisième partie de la Clavier-Übung est tout entière consacrée à l’orgue. Pour ce concert cependant, seules les pièces manualiter sont données. En effet, la moitié des pièces de la troisième partie de la Clavier-Übung ne font pas usage du pédalier, ce qui permet de supposer qu’elles étaient destinées à un orgue sans pédalier, tel l’orgue positif baroque que nous présentons.

 

Le précieux instrument a été construit à Fribourg vers 1767 par Joseph Anton Moser (1731-1792), facteur d’orgues originaire de Niederhelfenschwil (SG) et fondateur d’une importante dynastie de facteurs fribourgeois, dont le  membre le plus célèbre est Aloys Mooser (1770-1839), fils de Joseph Anton et auteur notamment du fameux orgue de la cathédrale St-Nicolas à Fribourg. C’est auprès de Johann Michael Bihler (c. 1687-1763), facteur de l’évêché de Constance, que Joseph Anton Moser s’est formé. Il s’est perfectionné (Auswanderung) ensuite à Strasbourg auprès de Johann Heinrich Silbermann (1727-1799). Admis bourgeois de Fribourg en 1766, c’est dans cette ville qu’il s’établit définitivement.

 

Outre ses travaux sur les différentes orgues de sa ville d’adoption (chapelle St-Michel et église des Augustins notamment), il a également construit les premières orgues depuis la Réforme dans de nombreuses églises réformées du territoire bernois limitrophe de Fribourg. Notre positif construit en chêne avec ses volets peints est le seul instrument de ce type qui nous soit parvenu de ce facteur, connu en son temps aussi pour ses clavecins et ses pianoforte. C’est par ailleurs l’un de ses tout premiers instruments. D’après certains documents d’archives, il pourrait même s’agir de son ouvrage de maîtrise (Meisterstück), pour pouvoir exercer librement à Fribourg et former des compagnons.

 

Construit peu après l’orgue de 1767 de Joseph Adrien Potier, facteur originaire de Lille (actif entre 1752 et c. 1770), en l’église d’Yverdon, orgue pour lequel Moser a réalisé l’ensemble de la menuiserie, notre positif a appartenu, d’après des recherches récentes, à Georges François Pilicier (1745-1803), régent au Collège d’Yverdon dès 1767 et organiste remplaçant en l’église de cette ville entre 1770 et 1774. En tous les cas, en 1789, le régent Pilicier se défait de son «orgue en buffet» en chêne, de six registres, instrument en tous points comparable au nôtre.

 

C’est la Louable Société de musique, société chorale établie à Lausanne en 1764, qui en fait alors l’acquisition, pour les répétitions qu’elle tenait dans un local de la maison Vaney, sise à la rue St-Jean, pour préparer les cultes de l’église St-Laurent, l’une des toutes premières paroisses du Pays de Vaud à avoir réintroduit la pratique du chant des psaumes à quatre parties.

 

La présence en façade d’un dessus de principal de 8’ confirme une fonction de l’instrument liée à l’accompagnement du chant, avant tout celui des psaumes et cantiques dans le cadre du culte protestant. Joseph Anton Moser a conçu la disposition de son positif pour répondre à cette exigence particulière, comme il a dû le faire également pour ses orgues d’église en territoire bernois. De fait, le positif Moser est étroitement lié à l’histoire de la musique et même de la musique sacrée en Suisse romande au 18ème siècle. De plus, c’est l’orgue d’un facteur suisse le plus ancien conservé du Canton de Vaud. Par son esthétique visuelle et sa disposition sonore, il constitue une synthèse originale, unique parmi les positifs suisses, des influences non seulement suisses orientales et allemandes méridionales, de Manderscheidt et de Bihler, mais aussi françaises alsaciennes, des Silbermann et de Potier. C’est donc une œuvre-clé pour la facture d’orgue en Suisse au 18ème siècle.

 

Pour une étude approfondie de cet instrument, on se référera à notre article publié dans la Revue suisse d’art et d’archéologie, disponible en ligne sous le lien: «La découverte d’un orgue suisse du 18ème siècle attribuable à Joseph Anton Moser (Fribourg, c. 1767)».

 

Quant au programme du concert, c’est sous le titre suivant que paraît à Leipzig en automne 1739 la troisième partie de la Clavier-Übung: «Dritter Theil der Clavier Übung bestehend in verschiedenen Vorspielen über die Catechismus und andere Gesänge vor die Orgel: Denen Liebhabern, und besonders denen Kennern von dergleichen Arbeit, zur Gemüths Ergezung verfertiget von Johann Sebastian Bach, Koeniglichen Pohlnischen, und Churfürstlichen Sächsischen Hoff-Compositeur, Capellmeister und Directore Chori Musici in Leipzig. In Verlegung des Authoris.»

 

Dans sa structure, la troisième partie de la Clavier-Übung suit le déroulement de la messe luthérienne. À l’introït correspond en effet le prélude en mi bémol majeur BWV 552; au Kyrie, les chorals Kyrie, Gott Vater in Ewigkeit BWV 669 et 672, les Christe, aller Welt Trost BWV 670 et 673, les Kyrie, Gott heiliger Geist BWV 671 et 674; au Gloria, les chorals Allein Gott in der Höh sei Ehr BWV 675 et 676, ainsi que la petite fugue sur ce choral BWV 677; au choral après l’Épître, le choral Dies sind die heiligen zehn Gebot BWV 678, ainsi que la petite fugue sur ce choral BWV 679; au Credo, le choral Wir glauben all an einen Gott BWV 680, ainsi que la petite fugue sur ce choral BWV 681, à la prière avant la consécration, les chorals Vater unser im Himmelreich BWV 682 et 683; à l’Eucharistie, les chorals Christ unser Herr zum Jordan kam BWV 684 et 685, ainsi que les chorals Aus tiefer Not schrei ich zu dir BWV 686 et 687; à la Communion le choral Jesus Christus unser Heiland BWV 688, ainsi que la fugue sur ce choral BWV 689 et peut-être aussi les quatre duetti BWV 802-805; enfin à la sortie, après la Bénédiction, la fugue en mi bémol majeur BWV 552.

 

Tous les arrangements de chorals, qu’ils soient pour le temps ordinaire (Kyrie et Gloria de la messe allemande) ou qu’ils appartiennent au catéchisme luthérien traditionnel, sont en deux versions, la première pour orgue avec pédale obligée (das Pedal gantz obligat tractiret) et l’autre pour orgue manualiter. Ce sont les pièces de cette dernière catégorie qui constituent le programme de ce concert en forme de «petite messe d’orgue». (PMM)

 

Disposition sonore de l’orgue

Bourdon 8’ (C-c’’’)
Flûte 4’ (C-c’’’)
Nasard 2’ 2/3 (F-c’’’)
Principal 2’ (C-c’’’) en façade (Cis-B)
Mixture I rang (1’ C-f et 1’ 1/3 de fis-c’’’)
Principal 8’ dessus (c’-c’’’) en façade (c’-b’)

 

Radio RTS Espace 2 (Jean-Luc Rieder), Patrick Montan-Missirlian à propos de l'orgue de Joseph Anton Moser, 18.6.2010