DavidAmaral_PierreSchwerzmann_dAM009 Pierre Schwerzmann, «Sans titre», 2012, acrylique sur toile, collection du Gymnase de Nyon | © photo David Amaral
DavidAmaral_PierreSchwerzmann_dAM006 Pierre Schwerzmann, vue de l’exposition | © photo David Amaral
DavidAmaral_PierreSchwerzmann_dAM003 Pierre Schwerzmann, vue de l’exposition | © photo David Amaral
DavidAmaral_PierreSchwerzmann_dAM007 Pierre Schwerzmann, «Constellation» (peinture murale), 2016, acrylique or sur crépi | © photo David Amaral
DavidAmaral_PierreSchwerzmann_dAM008 Pierre Schwerzmann, vue de l’exposition | © photo David Amaral
DavidAmaral_PierreSchwerzmann_dAM004 Pierre Schwerzmann, vue de l’exposition | © photo David Amaral
DavidAmaral_PierreSchwerzmann_dAM005 Pierre Schwerzmann, deux œuvres «Sans titre», 2015, verre et acrylique sur toile| © photo David Amaral
DavidAmaral_PierreSchwerzmann_dAM002 Pierre Schwerzmann, «Sans titre», 1996, béton moulé, encombrement | © photo David Amaral
DavidAmaral_PierreSchwerzmann_dAM001 Pierre Schwerzmann, «Sans titre», 2013, publication éditée par Boabooks | © photo David Amaral

17.1. - 3.4.2016

Pierre Schwerzmann – Station(s)

2.4.2016, 17h: lecture par l'artiste de textes brefs inédits

Abstraite et géométrique – indice immédiat de modernité –, la peinture de Pierre Schwerzmann n’aurait apparemment rien à faire à Romainmôtier, ce site médiéval lové au creux de son lointain passé de monastère roman, qui attire aujourd’hui le tourisme en raison de son ancienneté, de sa beauté, de son authenticité. Pour un temps bref présentée à dAM, cette peinture n’a rien d’«historique», ancrée qu’elle est dans la contemporanéité tant par ses enjeux plastiques que sémantiques. Elle se manifeste à l’instant même de sa rencontre avec le spectateur, marqué, quant à lui, par l’histoire, son histoire et celle du monde qui le porte. Anti-pittoresque au possible, elle se présente de prime abord à Romainmôtier comme un corps étranger, susceptible d’un rejet en raison de sa nature réfractaire au passé, en vertu de l’artificialité urbaine de ses couleurs et à cause de son propos péremptoirement non figuratif et anti-légendaire.

 

Et pourtant ! Généralement sans titre dans la tradition de l’art minimal, de nature ubiquitaire, c’est paradoxalement et précisément à Romainmôtier que cette peinture fait station, comme l’indique le titre de l’exposition. Celle-ci a été conçue par l’artiste comme une installation spatio-temporelle à partir d’une petite maquette d’étude 3D préalablement élaborée en carton-plume intégrant des reproductions des œuvres en miniature. Et l’exposition comme station, comme dispositif spatial arrêté là pour un temps (et présentant autant d’œuvres stations), entre singulièrement en résonance avec le site médiéval, par métaphore.

 

Par métaphore, la constellation de points dorés étend aujourd’hui sur le mur blanc du fond de l’espace d’exposition le semis d’étoiles peintes dans la coupole qui couvre la croisée de l’abbatiale. La peinture murale entoure et intègre la porte de cave faite de planches de sapin assemblées, rendant le statut de cette dernière avec les motifs qu’elle dessine ambigu: passage à travers l’espace de la peinture ou faux trompe-l’œil de la surface picturale? Le grand tableau aux perspectives inversées (ainsi que la sculpture faite de deux cônes tronqués en béton, présentés tête-bêche), invite le spectateur à faire station au point de rencontre des versants opposés d’une combe qui caractérise également l’emplacement du bourg médiéval au creux du vallon. Sans parler des effets d’optique dus aux lignes et aux couleurs verte et orange de ce même tableau, transférant au milieu du bourg l’esthétique de calandre de la station essence sise à l’entrée du vallon.

 

Enfin et évidemment, on ne peut manquer de penser aux stations d’un chemin de Croix, série de tableaux qui articulent l’intérieur d’une église en espace processionnel. Les deux tableaux peints en dégradés de noir et de blanc, recouverts délibérément de verres, renvoient le spectateur, à travers les reflets sur des horizons flottants, à ses propres stations debout devant les œuvres. Le double énantiomorphe de l’espace d’exposition – de l’autre côté du miroir – s’ouvre alors dans ces œuvres jumelées, éclairées tour à tour d’une lumière crépusculaire de dies irae, d’une lumière aurorale de parousie. [AdA]

 

Radio RTS Espace 2 (Anya Leveillé), Pierre Schwerzmann à propos de son exposition «Station(s)», 14.1.2016