11charme Antoine Watteau, «Les Charmes de la Vie», c. 1718, huile sur toile, 67 x 93 cm, Wallace Collection, Londres
couperin Jean-Charles Flipart (d’après André Boys), «Portrait de François Couperin», 1735, eau-forte, 29 x 22 cm, Bibliothèque nationale de France, Paris
Couperin2 François Couperin, «Les Idées Heureuses» (extrait du Premier Livre)
Couperin1 François Couperin, «Les Idées Heureuses» (fin) et «La Mimi» (extraits du Premier Livre)
Les Plaisirs du Bal.jpg Antoine Watteau, «Les Plaisirs du Bal», c. 1715-17, huile sur toile, 52 x 65 cm, Dulwich Picture Gallery, Londres
clavecin Clavecin Dominique Laperle (Marcellaz-Albanais 1994) d’après Nicolas Dumont (Paris, 1707)

28.2.2016, 16h | 20.3.2016, 16h

Les Idées Heureuses

Récitals François Couperin, Premier Livre de Pièces de clavecin (Paris, 1713)

Patrick Montan-Missirlian, clavecin

Places limitées, réservations: contact@espacedAM.ch, www.espacedAM.ch, 079 478 77 90. Collecte, prix indicatif : 30 frs

 

Programme du concert du 28.2.2016, 16h

François Couperin (1668-1733)
Les Idées Heureuses

Premier Ordre en sol:
Allemande l’Auguste – Premiere Courante – Seconde Courante – Sarabande la Majestueuse – Gavote – la Milordine – Menuet – les Silvains – les Abeilles – la Nanète – les Sentimens – la Pastorèle – les Nonètes – la Bourbonnoise – la Manon – l’Enchanteresse – la Fleurie – les Plaisirs de St. Germain en Laÿe

Second Ordre en ré:
Allemande la Laborieuse – Premiere Courante – Seconde Courante – Sarabande la Prude – l’Antonine – Gavote – Menuet – Canaries – Passepied – Rigaudon – la Charoloise – la Diane – la Terpsichore – la Florentine – la Garnier – la Babet – les Idées Heureuses – la Mimi – la Diligente – la Flateuse – la Voluptüeuse – les Papillons

 

Programme du concert du 20.3.2016, 16h

François Couperin (1668-1733)
Les Agrémens

Troisième Ordre en ut:
Allemande la Ténebreuse – Premiere Courante – Seconde Courante – Sarabande la Lugubre – Gavote – les Pélerines – les Laurentines – l’Espagnolete – les Regrets – les Matelotes Provençales – Chaconne la Favorite – la Lutine

Quatrième Ordre en fa:
La Marche des Gris-vêtus – les Baccanales – la Pateline – le Réveil-matin

Cinquième Ordre en la:
Allemande la Logivière – Premiere Courante – Seconde Courante – Sarabande la Dangereuse – Gigue – la Tendre Fanchon – la Badine – la Bandoline – la Flore – l’Angélique – la Villers – les Vendangeuses – les Agrémens – les Ondes

 

Patrick Montan-Missirlian, clavecin Dominique Laperle (Marcellaz-Albanais 1994) d’après Nicolas Dumont (Paris, 1707)

 

Présentation

François Couperin (1668-1733) est issu d’une famille de musiciens originaires de Chaume-en-Brie, dont le plus illustre représentant avant lui est son oncle, Louis Couperin (1626-1661). Comme ce dernier, François Couperin est claveciniste, organiste et compositeur. Titulaire à son tour de l’orgue de l’église de Saint-Gervais à Paris, il entre en 1693 au service de Louis XIV, comme organiste de la chapelle royale à Versailles et comme maître de musique de plusieurs membres de la famille royale, notamment du Dauphin Duc de Bourgogne.

 

Le clavecin utilisé pour ces récitals est la copie conforme du clavecin Nicolas Dumont (Paris, 1707). L’instrument original, autrefois au château du Touvet, dans l’Isère, se trouve à présent dans une collection particulière aux États-Unis. Nicolas Dumont était un facteur de clavecins réputé, actif à la Cour. L’instrument de 1707 est l’un des tout premiers clavecins à disposer de cinq octaves chromatiques presque complètes, du FF grave au e’’’ aigu, une étendue encore exceptionnelle pour l’époque. Une seule pièce de François Couperin recourt au FF grave et elle se trouve dans le Premier Livre de ses Pièces de Clavecin (Paris, 1713). C’est «la Bandoline» du Cinquième Ordre.

 

En 1713, lorsqu’il publie son Premier Livre de Pièces de Clavecin, François Couperin est âgé de quarante-cinq ans et c’est un musicien reconnu. Cette première publication pour le clavecin n’a pour lui rien du coup d’essai. Depuis longtemps en effet, ses pièces ont eu le bonheur de plaire. Il s’agit maintenant de les livrer à la postérité, avec toute l’exactitude possible. Quatre livres au total verront le jour jusqu’en 1730, trois ans avant la mort du compositeur. Ils forment en quelque sorte les quatre volets de son testament musical et une source de première main sur l’art de toucher le clavecin en général, en raison de l’extrême précision de leur tablature.

 

Le Premier Livre est constitué de soixante-dix pièces au total, regroupées par tonalité en cinq Ordres, terme propre à François Couperin pour désigner une suite d’un genre nouveau à l’époque. Aux danses formant la suite telle que l’ont pratiquée ses prédécesseurs, entre autres Nicolas Lebègue (1630-1702) et Jean Henry d’Anglebert (1629-1691), succèdent désormais des pièces de caractères. Certaines, de forme bipartite, sont de véritables portraits. D’autres, en forme de rondeau, ou avec une seconde partie dans le mode opposé, sont plutôt des scènes de genre, évoquant entre autres le petit monde de la Commedia dell’arte. Toutes ces pièces portent significativement des titres, faisant apparaître chaque Ordre comme une galerie de petits tableaux. À propos des titres, Couperin écrit dans la préface, avec une modestie toute rhétorique:

 

J’ay toûjours eu un objet en composant toutes ces pièces: des occasions différentes me l’ont fourni, ainsi les Titres répondent aux idées que j’ay eües; on me dispensera d’en rendre compte: cependant comme parmi ces Titres, il y en a qui semblent me flater, il est bon d’avertir que les pièces qui les portent, sont des espèces de portraits qu’on a trouvé quelques fois assés ressemblans sous mes doigts, et que la plûpart de ces Titres avantageux, sont plûtôt donnés aux aimables originaux que j’ay voulu representer, qu’aux copies que j’en ay tirées.

 

Mais les danses, notamment l’allemande et la sarabande, sont également l’occasion pour le compositeur de représenter certains caractères, tels «l’Auguste» et «la Majestueuse», «la Laborieuse» et «la Prude», «la Ténébreuse» et «la Lugubre», et enfin «la Dangereuse». L’allemande «la Logivière» du Cinquième Ordre, en revanche, est un portrait. Tout comme les pièces tendres semblent vouloir exprimer quelque sentiment – une pièce du Premier Ordre est précisément intitulée «les Sentimens, sarabande»l’allemande et la sarabande, par leur mouvement lent, se prêtent ainsi naturellement à la représentation de certains caractères en particulier. La courante, par la raison contraire, ne porte jamais de titre.

 

Le Quatrième Ordre quant à lui ne contient aucune danse. C’est une suite de petits tableaux, évoquant l’esprit des fêtes galantes du rococo naissant. «La Marche des Gris-vêtus», en l’occurrence, pourrait bien avoir été inspirée par quelque scène militaire galante d’Antoine Watteau (1684-1721). Le peintre et le compositeur, qui fréquentaient les mêmes cercles, ont ainsi contribué à l’émergence d’une nouvelle sensibilité valorisant l’intimité et l’expression raffinée d’une douce et tendre mélancolie. Cette dernière se manifeste chez Couperin notamment dans certains parallélismes de l’écriture à trois voix, caractéristiques du faux-bourdon, en particulier ceux à la quarte entre la basse et le second dessus, comme dans «la Voluptüeuse» du Second Ordre, «la Pateline» du Quatrième Ordre, «la Tendre Fanchon» et «la Villers» du Cinquième Ordre.

 

Par sa dimension picturale, la musique de François Couperin semble d’abord naître dans l’œil du compositeur et c’est avec la netteté des sons du clavecin qu’il peint divers portraits, caractères et scènes galantes, emprunts d’expression et de sentiment. Expression et sentiment sont justement les mots d’ordre d’une nouvelle sensibilité musicale qui se manifeste, dès le Premier Livre, dans les pièces tendres en général, mais surtout dans celles qui ont les parties luthées et syncopées qui conviennent au clavecin. Ce sont «les Idées Heureuses», à l’origine de l’aveu suivant:

 

L’Usage m’a fait connoître que les mains vigoureuses, et capables d’exécuter ce qu’il y a de plus rapide, et de plus léger, ne sont pas toûjours celles qui reüssissent le mieux dans les pièces tendres, et de sentiment, et j’avoüeray de bonne foy, que j’ayme beaucoup mieux ce qui me touche, que ce qui me surprend.


[PMM]