AN00474830_001_l Gerard van der Gucht d’après Nicola Francesco Haym, «Portait de William Byrd (médaillon du bas) et de Thomas Tallis (parrain et supposé maître de Byrd)», gravure, c.1730-1770
My_lady_nevells_ground William Byrd, «my ladye nevels grounde» (extrait), My Ladye Nevells Booke, 1591 (copiste John Baldwin), British Library, Londres

8.5.2016, 17h

William Byrd. Le livre pour Lady Neville

Conférence musicale de Richard Weihe, à propos d’une nouvelle en préparation sur le compositeur anglais William Byrd (c.1540-1623)

Avec la participation de Patrick Montan-Missirlian, clavecin

Ecrivain et chercheur, professeur d’études théâtrales à l’Accademia Teatro Dimitri à Verscio (CH), Richard Weihe est notamment connu pour ses biographies fictionnelles d’artistes singuliers, telle Mer d’encre (2004) qui parcourt la vie du peintre et calligraphe chinois Bada Shanren (c.1626-1705), texte pour lequel il a reçu le Prix des auditeurs de la Radio Suisse Romande en 2005. Par ailleurs en 2010, il publie Der Milchozean qui retrace la vie d’Amrita Sher-Gil (1913-1941), peintre indienne réputée.

 

C’est à la faveur d’une rencontre à l’issue d’un concert à dAM, suivie d’un séjour d’écriture de Richard Weihe à Romainmôtier et de nombreux échanges sur la musique de William Byrd, qu’est né le présent projet de conférence musicale, autre manière de partager avec le public une passion commune pour la musique anglaise de la Renaissance. Pour cette lecture performance, assortie d’extraits musicaux de My Ladye Nevells Booke, Richard Weihe s’exprime en français. [PMM]

 

Texte de présentation par Richard Weihe

William Byrd a d’abord attiré mon attention en raison de la dédicace de March Before the Battle, l’un des tout premiers exemples de musique descriptive, adressée à Edward de Vere, comte d’Oxford. C’est la raison pour laquelle cette pièce est souvent désignée The Earl of Oxford’s March. Pendant mon master de théâtre et de dramaturgie élisabéthains à l’Université d’Oxford, je me suis intéressé à l’identité de Shakespeare et aux questions d’auteur. Selon une tradition populaire, les pièces n’étaient pas écrites par Shakespeare lui-même, mais par le comte d’Oxford, un aristocrate employant l’acteur et négociant foncier de Stratford comme son prête-nom. Le comte d’Oxford était l’un des mécènes de Byrd. Il l’aida à acquérir une propriété à la campagne.

 

La première musique de Byrd que j’ai entendue est The Earl of Oxford’s March, arrangée et jouée par le Synergy Brass Quintet. J’ignorais alors que cette musique avait été composée pour le clavecin (en anglais virginal). Ma surprise fut d’autant plus grande lorsque je réalisai que la musique avait 400 ans. Elle me paraissait si moderne dans l’interprétation du Synergy. Cette marche est l’une des 42 pièces de Byrd comprises dans My Ladye Nevells Booke, un manuscrit de pièces pour le clavecin de 1591. En écoutant divers enregistrements, je fus particulièrement impressionné par Glenn Gould et sa manière de rendre sur un Steinway de concert un grand nombre de pavanes et de gaillardes de cette anthologie. Byrd m’apparut alors vraiment comme un précurseur de Bach. La musique de Byrd contient une émotion que Gould parvient à exprimer avec la dynamique du piano, émotion à peine perceptible pour moi dans les enregistrements d’alors au clavecin.

 

En lisant davantage sur Byrd, mon attention fut attirée par la dédicataire du recueil de pièces pour clavier en question: «Ladye Nevell». Il s’agit probablement d’Elisabeth Bacon, troisième épouse de Sir Henry Neville. On ne sait toutefois rien sur sa vie. Quelle fut sa relation avec Byrd? Pourquoi lui a-t-il dédié ce précieux livre de musique? Au-delà du rôle de Lady Neville dans la genèse de ce manuscrit et les questions d’instruments que j’ai mentionnées, un troisième point retint mon attention. L’une des caractéristiques de l’activité créatrice de William Byrd est qu’il composa de la musique sacrée pour des messes catholiques clandestines, bien qu’il fût le compositeur officiel de la chapelle royale de la reine Elisabeth I. Quelles furent les conséquences de la transition du catholicisme à l’anglicanisme pour les compositeurs du 16e siècle?

 

En me focalisant sur ces trois questions, j’ai commencé mes recherches sur la vie et la musique de William Byrd, dans la perspective d’écrire une nouvelle. Certes, les experts en marketing littéraire vous diraient qu’une bonne nouvelle nécessite avant tout une belle histoire d’amour, assortie d’une intrigue, de préférence doublée d’un crime. Malheureusement les sources historiques ne fournissent aucun élément d’information de ce genre pour résoudre les trois questions. C’est la raison pour laquelle il me faut inventer pour transformer les sources historiques lacunaires en fiction. [RW]