11.9. - 18.12.2016
De nationalité anglaise, établie à Paris, Joan Ayrton (*Cully, 1969) est une artiste plasticienne dont la production – photographie, vidéo, installation, peinture – interroge les enjeux du regard et de la représentation, en explorant notamment la question de la couleur, non seulement dans sa dimension esthétique mais également éthique ou politique.
A dAM, espace d’art contemporain également consacré à la musique ancienne, Joan Ayrton présente Searching for an A (A la recherche d’un la) (2016), un film vidéo qui montre un quatuor à cordes sur instruments anciens s’accordant, dans le grand salon ouvert sur l’extérieur de la célèbre Villa Savoye de Le Corbusier, à Poissy. Ou plutôt faudrait-il dire: la pièce sonore Searching for an A fait entendre un quatuor s’accordant, sur fond d’images montrant les musiciens dans le grand salon de la Villa Savoye ouvert sur un rideau d’arbres. Comme si la préséance attendue de l’image sur le son dans le domaine des arts visuels était ici renversée, mettant la musique promise en gloire.
Les séquences d’images sont déposées par Joan Ayrton sur une composition constituée de quatre phrases sonores, articulées par des silences visuels, les plages blanches du mur-écran. Searching for an A permet une mise en résonance des images, accordant au diapason les quatre couleurs principales du film – brun (instruments), vert (arbres), noir (habits, lutrins, encadrements), blanc (partitions, murs) – sur les lignes tendues de l’architecture moderne. Le Corbusier appelait son propre nuancier de couleurs son clavier chromatique.
A propos de son film et de sa portée politique, Joan Ayrton s’explique: «Quatre personnes s’assoient et s’accordent. Autrement dit, elles se mettent d’accord. Est-ce une proposition politique? De ces quatre musiciens, l’un d’eux est le meneur. Il donne le la. Les trois autres le regardent, l’écoutent, puis tous travaillent à trouver l’accord commun, une harmonie. Ce sont deux mises au point qui ont lieu en même temps, l’une verticale, l’autre horizontale. En d’autres termes, une mise en pratique minimale d’un système utopique qui vise la recherche d’une certaine justesse autour d’un code commun.»
La question de la justesse – esthétique, éthique, politique – de la couleur visuelle (ou sonore) est au cœur du travail de Joan Ayrton. Dans ses propositions plastiques, rappelant parfois l’art minimal, elle interroge autant la substance, la nature, la définition que la perception, la valeur et la signification de la couleur, comme dans Colour is an image (2016) fait de deux verres colorés superposés. Mais, l’équilibre de la couleur est susceptible, à tout moment, de chavirements dans le désordre de la matière, qu’évoquent, par exemple, les grandes impressions sur papier faites à partir de petites peintures dont l’artiste, délibérément, ne peut maîtriser la facture.
A Romainmôtier, site médiéval accordé au tempérament ancien, l’exposition de Joan Ayrton propose un désaccord poétique et politique contemporain qui sonne juste, parce qu’il travaille les résistances. [AdA] [Villa Savoye – Le Corbusier ©FLC-ADAGP]