22.9. - 23.12.2012
Vivant et travaillant à Lausanne, Robert Ireland (*1964, Dallas USA) présente à Romainmôtier un ensemble d’œuvres mettant en jeu la dialectique de l’être et du disparaître. À cet égard, la conjugaison de la locution choisie par l’artiste « Ici et maintenant » pour intituler l’exposition, avec la devise de Romainmôtier « Le temps fuit » (inscrite sur les cadrans de la Tour de l’horloge vis-à-vis l’Espace de Andrés-Missirlian), agit comme un efficace levier d’interprétation : « Ici et maintenant, le temps fuit », telles pourraient être à la fois la lecture et la légende de chaque œuvre, fonctionnant du coup comme une épitaphe imaginaire. L’idée de l’exposition a d’ailleurs été inspirée par la figure du gisant de l’abbatiale, sculpture funéraire médiévale couchée dans le chœur de l’église.
Revisitant l’histoire de l’art, autoréférentiel et spéculatif, interrogeant ainsi ses propres moyens techniques, formels et expressifs comme vecteurs du discours plastique, l’art de Robert Ireland n’en affronte pas moins ici directement, courageusement, la question de la vie et de la mort. À la fois physique (concret, matériel) et métaphysique (intellectuel, philosophique, spirituel), il appréhende l’instant décisif mettant un terme au cours du corps. Telle toile (Clinamen) évoque les gouttes et épanchements d’humeurs organiques; tel diptyque de photographies intitulé Autoportrait, la confrontation ultime de l’œil ouvert de l’artiste (l’œil du Créateur ?!) avec un squelette sépulté en position fœtale ; tels dessins panoramiques à l’acrylique, l’empreinte latérale d’un cadavre contre la paroi poreuse de l’habitacle étroit du tombeau (Gisants). À même le sol, un panneau en mélaminé perforé suggère une dalle imprégnée des taches d’une dépouille. De sorte que l’espace d’exposition devient lieu de déposition.
Ayant délibérément perdu la face, l’art de Robert Ireland ne s’envisage qu’à revers, par le détour prégnant de traces, empreintes, suintements issus de failles, interstices, orifices qui donnent à voir. Paradoxalement, la figure procède d’une résorption formelle. Elle nous accompagne dans l’utopie d’un art conçu à la fois comme représentation et révélation de l’ici et maintenant. (AdA)