4.9.2016, 17h | 9.10.2016, 17h
Récitals François Couperin, Second Livre de Pièces de clavecin (Paris, 1717)
Patrick Montan-Missirlian, clavecin, avec la participation de Claire Anne Piguet Al Saghir, second clavecin
Programme du concert du 4.9.2016
François Couperin (1668-1733)
Les Amusemens
Sixième Ordre en si bémol:
Les Moissoneurs – les Langueurs-Tendres – le Gazoüillement – la Bersan – les Baricades-Mistérieuses – les Bergeries – la Commère – le Moucheron
Septième Ordre en sol:
La Ménetou – les Petits Âges: la Muse-Naissante, l’Enfantine, l’Adolescente, les Délices – la Basque – la Chazé – les Amusemens
Huitième Ordre en si:
La Raphaèle – l’ausoniène – Première Courante – Seconde Courante – Sarabande, l’Unique – Gavote – Rondeau – Gigue – Passacaille – la Morinète
Programme du concert du 9.10.2016
François Couperin (1668-1733)
Les Charmes
Neuvième Ordre en la:
Allemande à deux clavecins* – la Rafraîchissante – les Charmes – la Princesse-de-Sens – l’Olimpique – l’Insinüante – la Séduisante – le Bavolet-flotant – le Petit-deüil ou les trois-Veuves – Menuet
Dixième Ordre en ré:
La Triomphante: Première Partie, bruit de guerre, combat; Seconde Partie de la Triomphante, Allégresse des Vainqueurs; Troisième Partie de la Triomphante, Fanfare – la Mézangère – la Gabrièle – la Nointèle – la Fringante – l’Amazône – les Bagatèles
Onzième Ordre en ut:
La Castelane – l’Etincelante – les Graces-Naturèles – la Zénobie – les Fastes de la Grande et Ancienne Mxnxstrxndxsx: 1er Acte, les Notables et Jurés-Mxnxstrxndxurs; second Acte, les Viéleux et les Gueux; troisième Acte, les Jongleurs, Sauteurs et Saltimbanques avec les Ours et les Singes; quatrième Acte, les Invalides ou gens Estropiés au Service de la grande Mxnxstrxndxsx; cinquième Acte, Désordre et déroute de toute la troupe causés par les Yvrognes, les Singes et les Ours
Douzième Ordre en mi:
Les Jumèles – l’Intîme – la Galante – la Coribante – la Vauvré – la Fileuse – la Boulonoise – l’Atalante
Patrick Montan-Missirlian, clavecin Dominique Laperle (Marcellaz-Albanais, 1994) d’après Nicolas Dumont (Paris, 1707)
Claire Anne Piguet Al Saghir, clavecin Dominique Laperle (Albens, 2000) d’après Carlo Grimaldi (Messine, 1697-1703) (*)
Présentation
Le Second Livre des Pièces de clavecin de François Couperin paraît à Paris en 1717, quatre ans après le Premier Livre. Sa publication était pourtant annoncée dans la préface du livre de 1713, pour la fin de l’année même. De fait, la préface au Second Livre revient largement sur les motifs de ce retard: en premier lieu le souci de laisser aux personnes de goût le temps de posséder suffisamment les pièces du Premier Livre et la publication en 1716 d’une méthode intitulée L’Art de toucher le Clavecin. Très utile en général, celle-ci est en outre, selon l’avis de l’auteur, absolument indispensable pour exécuter ses pièces dans le goût qui leur convient. Réimprimé en 1717 avec un supplément relatif aux pièces du Second Livre, L’Art de toucher le Clavecin est donc intimement lié tant au premier qu’au second livre. Pour le public d’alors et plus encore pour l’interprète d’aujourd’hui, c’est une source de première main pour mieux comprendre l’esprit si particulier de la musique de clavecin de François Couperin.
Le Second Livre contient sept ordres au total, soit deux de plus que le livre précédent. Comme les ordres du Premier Livre, ceux du Second Livre sont constitués principalement de pièces de caractère aux titres évocateurs. Portraits, allégories, figures de caractère et scènes de genre, chaque ordre apparaît ainsi comme une sorte de galerie de petits tableaux, qui déploient les thèmes centraux de l’esthétique galante, à savoir l’amour, le jeu et les plaisirs. Seule exception, le Huitième Ordre ne comporte que les danses formant traditionnellement la suite instrumentale, portée cependant ici à son apogée.
Ainsi, les ordres du Second Livre peuvent être caractérisés de la manière suivante: le Sixième Ordre est une suite de scènes de genre dominé par le goût champêtre. Le Septième Ordre met en scène des figures de l’enfance et à travers elles le plaisir du jeu. Le majestueux Huitième Ordre convoque, quant à lui, le souvenir des solennités révolues de la Cour de Louis XIV et notamment de ses ballets. Le Neuvième Ordre se concentre sur des figures féminines de la séduction et de l’amour. Le Dixième Ordre évoque de manière allégorique le combat amoureux, notamment à travers la figure mythologique de l’Amazône.
Pour ce qui est des deux ordres supplémentaires qui caractérisent le Second Livre par rapport au premier, à savoir le Onzième Ordre et le Douzième Ordre, ils sont également consacrés à des figures féminines, tantôt mythologiques tantôt prosaïques, toutes aux qualités remarquables susceptibles de séduire le galant homme du 18ème siècle. Le Onzième Ordre se clôt en outre sur une parodie en plusieurs actes des Fastes de la Ménestrandise, une corporation de musiciens de bas rang, contre les prétentions desquels les musiciens de la Chapelle royale, François Couperin à leur tête, se sont érigés à plusieurs reprises et avec succès, notamment en 1693 et en 1707.
En sus des scènes de genre et des figures de caractère féminines en question, chaque ordre en particulier contient une ou plusieurs pièces en forme de portrait, un nouveau genre déjà rencontré dans le Premier Livre. Les modèles, autant féminins que masculins, sont l’occasion pour le compositeur de représenter, tel un peintre, des personnalités de son temps, dont l’identité reste cependant pour nous aujourd’hui souvent imprécise.
À la diversité des caractères représentés dans le Second Livre, répond une palette toujours plus large des termes et expressions censés traduire au début de chaque pièce les intentions du compositeur. Aux termes courants de Gayement, Gracieusement, Légèrement, Vivement, Marqué, Gravement, Tendrement, Affectueusement et Majestueusement, Couperin rajoute ainsi ceux de Coulamment (la Castelane, la Vauvré), Coulé (le Gazoüillement, la Gabrièle), Nonchalamment (la Rafraîchissante), Impérieusement et animé (l’Olimpique), Vif et relevé (la Fringante), Vivement et fièrement (l’Amazône), Naïvement (les Bergeries, la Fileuse), avec une insistance particulière sur le jeu lié ou même très lié (la Muse-Naissante des Petits Âges, la Chazé, la Morinète, les Charmes, le Bavolet-flotant, la Zénobie) et Sans lenteur, associé de plus en plus souvent à Tendrement.
À propos des pièces tendres, Couperin écrit dans l’Art de toucher le Clavecin: Il est bon de ne les pas joüer tout à fait aussi lentement qu’on le feroit sur d’autres instrumens; à cause du peu de durée de ses Sons, La cadence et le goût pouvant s’y conserver indépendamment du plus, ou du moins de lenteur.
Dans l’ensemble du Second Livre, les pièces sont agencées dans un ordre apparemment spontané, conférant à chacune des séquences les qualités de divertissement, de charme et d’amusement recherchées par le rococo naissant. Aussi ne trouve-t-on plus dans ce livre de pièces parcourues par des passages en faux-bourdon, tels ceux qui teintaient certaines pièces du Premier Livre d’une douce mélancolie. À la place de ce procédé ressortissant à l’écriture polyphonique, apparaissent désormais dans le chant de certaines pièces du Second Livre (la Fringante, la Galante, la Coribante), les coulés en valeur réelle figurant le retard de la tierce. Ils sont l’expression d’une élégante insouciance, annonciatrice du Troisième Livre à venir (1722) et emblématique du rococo. [PMM]