Jan_Pietersz_Sweelinck Gerrit Pieterszoon Sweelinck, «Jan Pieterszoon Sweelinck», 1606, huile sur bois, 67 x 52 cm, Amsterdam Museum
Opnamedatum:  2012-11-12 Claes Janszoon Visscher II (attr.), «Oude Kerk à Amsterdam», 1612-1648, gravure sur cuivre, 25 x 32 cm

24.9.2017, 17h

Le Siècle d’or du clavier I

Les Pays-Bas | Récital Jan Pieterszoon Sweelinck (1562-1621)

Patrick Missirlian, clavecin et orgue

Programme

Jan Pieterszoon Sweelinck (1562-1621)

Pavan Hispanica SwWV 327

Toccata Primi Toni (d2) SwWV 286

Mein junges Leben hat ein Endt SwWV 324

Pavan Philippi SwWV 329

Fantasia Crommatica à 4 (d1) SwWV 258

Fantasia à 4 (a1) SwWV 273*

Ricercar del nono tono (a1) SwWV 280*

Psalm 140 – O mijn Godt wilt u mij nu bevrijden (O mon Dieu, donne-moy délivrance) SwWV 314*

Fantasia Ut re mi fa sol la à 4 (F1) SwWV 263*

Patrick Missirlian, clavecin Dominique Laperle (Albens, 2000) d’après Carlo Grimaldi (Messine, 1697-1703) et orgue Pascoal Caetano Oldovino (Évora, 1764) (*)

 

Présentation

Le cycle de quatre récitals ouvrant la saison de concerts 2017-2018 mettra en lumière la musique de clavier au tournant des 16e et 17e siècles, à travers quatre compositeurs parmi les plus éminents de l’époque aux Pays-Bas, en Angleterre, en Italie et en Espagne, respectivement Jan Pieterszoon Sweelinck (1562-1621), John Bull (1562/3-1628), Girolamo Frescobaldi (1583-1643) et Francisco Correa de Arauxo (1584-1654). L’exceptionnelle qualité et originalité de leur musique de clavier fait d’eux les figures de proue du Baroque naissant et les hérauts d’un âge d’or de la musique de clavier.

 

Chaque récital est consacré à un compositeur en particulier et sera l’occasion de faire entendre les œuvres d’orgue et de clavecin, parmi les plus spectaculaires de cette époque charnière: la Fantasia crommatica et la Fantasia Ut re mi fa sol la de Jan Pieterszoon Sweelinck, le neuvième In nomine et Walsingham de John Bull, les Cento partite sopra passacagli et la Toccata nona du Secondo Libro di toccate de Girolamo Frescobaldi, ainsi que les derniers Tientos de la Facultad organica de Francisco Correa de Arauxo.

 

La présence tant d’orgues que de clavecins dans notre salle de musique offre ainsi la possibilité de mettre en valeur les caractéristiques propres à chacun de ces deux instruments, pratiqués certes conjointement par les musiciens de l’époque, mais dans des répertoires qui n’étaient pas forcément interchangeables. Au programme du premier concert, la Fantasia crommatica de Sweelinck, par exemple, semble en effet exclusivement destinée au clavecin, car elle nécessite la scordatura du tempérament mésotonique classique pour dièse (au lieu de mi bémol) – une opération ne posant aucun problème au clavecin, mais impossible à réaliser à l’orgue sans rallonger les tuyaux de mi bémol. Aussi chaque portrait musical est-il en deux volets, au clavecin, puis à l’orgue.

 

Jan Pieterszoon Sweelinck est issu d’une lignée d’organistes actifs aux Pays-Bas dès le 16e siècle. Orphelin de père à l’âge de 11 ans, Sweelinck devient quatre ans plus tard, en 1577, organiste titulaire à la Oude Kerk d’Amsterdam (cf. ill.), un poste prestigieux occupé avant lui par son père et après lui par son fils Dirk Janszoon Sweelinck (1591-1652). Des deux célèbres orgues de 1542 et 1545 construites par Hendrik Niehof (c.1495-1560) pour cette église et jouées par Sweelinck, il ne reste rien.

 

En 1578, un an à peine après son entrée en fonction comme organiste à la Oude Kerk, la ville d’Amsterdam, alors dernier bastion catholique dans les provinces septentrionales des Pays-Bas, adopte le culte protestant calviniste. Conformément au rite calviniste, Sweelinck est privé de ses fonctions d’organiste liturgique. Il conserve toutefois sa charge d’organiste, au service de la ville d’Amsterdam. Il ne joue donc plus de l’orgue pendant les cultes et les offices, mais en dehors de ceux-ci, lors de concerts publics et de cérémonies officielles.

 

Les improvisations de Sweelinck, tant à l’orgue, qu’au clavecin, lui valent d’être surnommé «l’Orphée d’Amsterdam» et lui attirent de nombreux élèves, notamment Allemands, parmi lesquels Jacob Praetorius (1586-1651), Samuel Scheidt (1587-1654), Melchior Schildt (1592/3-1667) et Heinrich Scheidemann (c.1596-1663). Tous ont transmis à leur tour l’héritage du maître à leurs propres élèves, un héritage encore bien vivant dans la musique de Johann Sebastian Bach (1685-1750), élève probable de Johann Adam Reinken (1643-1722), un élève lui-même de Heinrich Scheidemann.

 

Sweelinck est un compositeur de musique autant vocale qu’instrumentale. Dans le domaine vocal, ses publications (motets, chansons polyphoniques, madrigaux et psaumes), échelonnées sans interruption de 1594 jusqu’à sa mort en 1621, ont largement contribué à asseoir sa réputation comme compositeur. Au contraire, sa musique de clavier, à peu près soixante-dix pièces, parmi lesquelles des toccatas, des fantaisies, des variations sur les psaumes et les cantiques et des variations sur des airs de danses et des mélodies populaires, n’a jamais été publiée du vivant du compositeur.

 

Les œuvres pour clavier de Sweelinck ont pourtant largement été diffusées dans le monde d’alors par ses élèves sous forme de copies manuscrites, certaines peut-être même réalisées sous la direction du maître à partir d’autographes aujourd’hui perdus. C’est le cas du manuscrit Lynar A1, d’où sont extraites la plupart des pièces au programme de ce concert. Enfin, au regard de la musique vocale, la musique de clavier de Sweelinck semble même avoir été composée tard, probablement après 1612, plutôt par nécessité de transmettre à la postérité une œuvre élaborée ex tempore toute une vie durant.

 

La musique de clavier de Sweelinck apparaît comme un creuset où se fondent les courants phares de l’humanisme musical de la Renaissance. Aussi les pièces libres en particulier (toccatas et fantaisies) reflètent-elles l’influence de compositeurs aussi divers que les Vénitiens Andrea Gabrieli (c.1533-1585) et Claudio Merulo (1533-1604), les Anglais Peter Philips (c.1560-1633) et John Bull (1562/3-1628), les Espagnols Antonio de Cabezón (1510-1566) et Luis de Milán (c.1500-1561), le Portugais Manoel Rodrigues Coelho (c.1555-c.1635).

 

Toutes ces influences participent chez Sweelinck d’une nouvelle pratique de la polyphonie, idiomatique du clavier et caractérisée avant tout par une écriture épurée, un nombre strict de voix au clavecin comme à l’orgue et une polarisation de l’édifice contrapuntique entre basse et dessus, avec pour corollaire l’usage de nouveaux doigtés (en particulier à la main gauche). À cela s’ajoutent les effets de polychoralité ou d’écho et toutes sortes de figures de rhétorique, propres à émouvoir les passions, dont le chromatisme est la plus emblématique.

 

Les fantaisies sont assurément la contribution majeure de Sweelinck à l’histoire de la musique de clavier. Par leurs vastes dimensions, leur complexité et leur clarté formelle, elles incarnent l’institution oratoire par excellence du Baroque musical naissant et font de Sweelinck un véritable père pour de nombreuses générations de musiciens à clavier, un destin comparable à celui de Johann Sebastian Bach. [PM]

 

Disposition de l’orgue Pascoal Caetano Oldovino (Évora, 1764)

[Bordão] 8′ (C/E-c)
[Tapadilho] 4′ (C/E-c’’’)
Oitava 2′ (C/E-c’’’)
Cornetilia 2′ 2/3 (cis’-c’’’)
Cheyo II rangs (C/E-c’’’)

Vaza vento